L'accident vasculaire cérébral ou AVC, consiste en l'occlusion thromboembolique d'un vaisseau sanguin du cerveau provoquant l'arrêt du flux sanguin dans l'artère concernée. Les cellules nerveuses de la partie du cerveau irriguée par cette artère sont donc privées du substrat énergétique, le glucose, et d'oxygène : c'est l'ischémie cérébrale. L'ischémie conduit à un effondrement des stocks d'énergie (ATP), les cellules nerveuses ne peuvent plus maintenir l'homéostasie ionique ce qui provoque un influx de Ca++ dans les neurones, une libération massive de neurotransmetteurs excitateurs, majoritairement de glutamate ainsi que l'activation d'enzyme dégradant les protéines structurelles et l'ADN. Ces événements induisent rapidement la mort des neurones par nécrose. Une sous-population de neurones, dont l'importance est discutée, est engagée dans un processus d'apoptose. Contrairement à la nécrose, l'apoptose ou mort cellulaire programmée, est un processus actif comportant une cascade d'événement et nécessitant une synthèse protéique active. L'apoptose est un phénomène normal au cours du développement embryonnaire notamment dans le système nerveux central (SNC) où les neurones surnuméraires sont éliminés par ce mécanisme.

La recherche thérapeutique dans le domaine de l'ischémie cérébrale a privilégié jusqu'à présent l'approche neuroprotective. Il s'agit en l'occurrence d'empêcher la mort neuronale en interférant avec les mécanismes conduisant à la nécrose ou à l'apoptose. Cependant, cette stratégie malgré de nombreux résultats positive au stade préclinique s'est révélée peu fructueuse lors des essais cliniques. En effet, il a été possible de prouver l'efficacité de nombreuses molécules neuroprotectives (antagonistes NMDA, antagonistes des canaux calciques ou sodiques, etc.) dans des modèles animaux d'ischémie cérébrale sans pour autant obtenir des résultats significatifs chez l'homme. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces échecs : effets secondaires centraux ou cardio-vasculaires, dosage non-optimal, différences entre le modèle animal et la réalité clinique etc. Néanmoins, le problème majeur rencontré dans cette approche est le temps écoulé entre l'ictus et le début du traitement avec le médicament neuroprotectif. Les neurones situés dans la partie du cerveau où le flux sanguin est entre 10% et 20% de la normale, appelée "core", meurent par nécrose en l'espace de quelques minutes. Dans les zones marginales où le flux sanguin est inférieur à 50% de la normale, la "pénombre", les neurones peuvent survivre plusieurs heures mais perdent leur fonctionnalité. Finalement, le " core " s'étend au cours du temps et les neurones de la pénombre deviennent nécrotiques ou entament le processus apoptotique. Ce sont les cellules de la " pénombre " qui sont les cibles de potentiels traitements neuroprotectifs. Il est à noter que le concept de " core " et de " pénombre ", inialement défini par le gradient de CBF, de synthèse protéique et de stock d'ATP, est bien démontré chez l'animal mais reste sujet à controverse chez l'homme.

La mort par nécrose ou apoptose ou la perte de fonction d'une population de neurones suite à une lésion du SNC (traumatisme, ischémie cérébrale, maladie neurodégénérative) se traduit par des déficits neurologiques d'ordre sensori-moteur et cognitifs. Lors d'un AVC par exemple la plupart des patients récupèrent spontanément une partie des fonctions neurologiques perdues en l'espace de quelques semaines. La récupération fonctionnelle est une stratégie complémentaire de la neuroprotection, elle présente l'avantage d' peut-être favorisée par la physiothérapie ainsi que certaines substances telle l'amphétamine ou des antagonistes des récepteurs a1 adrénergiques. Néanmoins, jusqu'à présent l'approche est empirique et les mécanismes impliqués dans la récupération fonctionnelle sont assez mal connus.

 

Nous nous proposons d'étudier les conditions permettant de favoriser la récupération fonctionnelle selon 2 approches complémentaires.

1. Certains travaux récents montrent que les neurones ayant subi une période d'ischémie réexpriment des marqueurs embryonnaires (cycline D, nestine) et également deviennent apoptotiques. D'autre part le traitement par la staurosporine, qui stimule l'apoptose, réduit le volume de la lésion chez le rat ayant subi une occlusion de l'artère cérébrale moyenne. Il s'agira d'étudier les conséquences neurologiques, en particulier sensori-moteur, d'une occlusion de l'artère cérébrale moyenne chez le rat suivi de traitement par des substances modulatrices de l'apoptose.

La solution alternative peut consister à utiliser la greffe des cellules souches pluripotentes du SNC. Ces cellules sont capables de se différencier en neurones ou bien en cellules gliales. Le but de cette est d'isoler ces cellules et d'optimiser les conditions de culture (culture en suspension et repiquage) afin d'obtenir une proportion importante de cellules pluripotentes. La suspension cellulaire ainsi obtenue est greffée dans le cerveau d'un rat ayant subi une lésion ischémique par exemple. La greffe sera combinée avec le traitement par des substances immunosuppressives qui ont également la propriété de favoriser la régénération des axones.

Pour ces deux expériences le modèle animal sera l'occlusion réversible de l'artère cérébrale moyenne chez le rat. Ce modèle présente l'avantage de permettre de moduler le degré de sévérité de la lésion selon la durée de l'ischémie. L'évaluation consistera en une batterie de tests neurologiques testant essentiellement les fonctions sensori-motrices.

 

2. La deuxième approche consiste à de tenter de modéliser les effets de la mort discrète par apoptose ou massive par nécrose, d'une population de neurones dans une structure donnée du cerveau, par exemple le cortex sensori-moteur, sur les fonctions des structures connectées, par exemple les noyaux thalamiques Lors d'une lésion dans le cortex somato-sensoriel il se produit une dégénérescence de la voie cortico-spinale dont le thalamus est un relais, ainsi qu'une mort neuronale secondaire dans les noyaux thalamiques. L'outil principal sera un programme de simulation reproduisant les circuits du cortex et du thalamus (figure 1) tel le programme SIRENE (1).

Dans une première étape nous tenterons grâce à ce modèle de reproduire les effets de la mort par nécrose ou apoptose d'une population de neurones corticaux sur les fonctions des différentes structures impliquées dans la voie sensori-motrice descendante ou ascendante. Nous tenterons également de simuler grâce à ce modèle les conséquences neurologiques et/ou cognitives de la lésion.

La deuxième étape consistera à intégrer dans ce modèle les données connues sur la plasticité neuronale (functional take-over, repousse axonale dans le SNP) et la récupération fonctionnelle afin d'en étudier le processus.

 

(1) Villa A.E.P., Zurita P. (1987) SImulation de REseaux de Neurones : an interactive software written in LISP to study the behavior of a neural network. Neuroscience 22 : S847